TOOL BOX, autrement dit au travail !
TOOL BOX contient des œuvres-outils. Ces œuvres sont décrites sur des feuilles au format standard et sont réalisées ou à réaliser en des temps et des lieux donnés. Par leurs qualités intrinsèques et leurs champs d’interventions diversifiés, les œuvres sélectionnées pour cette exposition, qui ne satisfont pas aux critères des œuvres-trésors, ont pour trait commun de susciter une autre relation à l’art et à notre environnement culturel, social et politique. Chacune des propositions des artistes invités définit des modalités inédites de rapport au spectateur (place, rôle, responsabilité).
Ces œuvres de passage dans notre environnement mettent l’observateur au « travail » en lui laissant une latitude plus ou moins importante d’intervention sur (ou d’interprétation) d’une œuvre au moment de sa réalisation. L’œuvre se donne alors comme un outil autonome. Dans certains cas, elle offre la possibilité d’être réalisée immédiatement et gratuitement (just do it ! ou Licence Art Libre) ; dans d’autres cas, elle se fait processus et inclut l’intervention du spectateur ; dans les derniers, elle réclame la pleine participation de l’artiste au cours de sa réalisation : autorisation, accompagnement, présence de l’artiste (performance), documentation, rémunération,… Néanmoins, toutes les œuvres qui ont retenu notre intérêt ont en commun une puissance d’action qui s’étend hors des temps et des lieux conventionnels de l’art. Elles enveloppent aussi une puissance potentielle souvent déniée au spec-acteur.
L’art prend certes son sens dans le projet de l’artiste mais aussi dans ces espaces de modifications futures, pensés, formulés par l’artiste et travaillés ensuite par le spectateur qui rebondira à partir de la proposition d’origine. D’une réception aux repères instables à une mise en œuvre complète à partir d’un protocole rédigé par l’artiste, les œuvres de TOOL BOX déploient des types d’appropriation qui s’adressent autant au spectateur curieux de déstabiliser ses habitudes qu’à celui qui appréciera les responsabilités diverses qui lui sont confiées. Cet échange réciproque, telle une discussion animée, est consécutif de l’œuvre ; il est remis en jeu à chaque activation.
Ce n’est pas la qualification du spectateur habituel qui est mise à mal. C’est la nature et la fonction du regardeur de l’œuvre d’art qui est ici bouleversée dans son traditionnel rapport à l’œuvre. Notamment, lorsque, dès l’origine, l’artiste prend ses distances avec la matérialité de l’objet d’art et conçoit une proposition qui joue sur l’infiltration et la dissémination plutôt que l’apposition d’un objet fini, déplacé puis présenté dans les lieux destinés à l’art. De telles œuvres, parmi celles que propose TOOL BOX, recréées au gré de leurs contextes d’apparition, fusionnent avec la vie et génèrent des interprétations en cascade. Œuvre et contexte d’apparition, fusionnent avec la vie et génèrent des interprétations en cascade. Œuvre et contexte de réalisation sont indispensables l’un à l’autre et se réfléchissent dans l’harmonie ou la confrontation.
Le visiteur de l’exposition TOOL BOX compose son catalogue sur place. À partir de ses choix, les propositions de TOOL BOX peuvent soit être activées seules par un collectionneur, soit entraîner dans le futur une programmation à géométrie variable, soit être commandées. Sur le moment, en tout cas, le spectateur devient commissaire d’une mise en œuvre virtuelle selon une cohérence qu’il aura élaborée à partir d’un contexte qu’il aura déterminé ou imaginé. Les œuvres de TOOL BOX peuvent en effet s’adapter à des cadres et territoires différents : réunions publiques, habitats collectifs, forêts, réseaux routiers, médias,…
TOOL BOX, à travers cette exposition qui offre, entre autre autres, la possibilité pour chacun d’agencer son propre catalogue, diffuse et valorise des œuvres d’art public dîtes « éphémères ». Ces œuvres, gratuites ou souvent d’un coup très raisonnable, existent parallèlement aux œuvres pérennes. Elles ont un autre rôle. Elles ne glorifient pas une société friande de monuments mais se frottent à une société en mouvement. TOOL BOX privilégie un art de l’éparpillement et de l’infiltration grâce à un spectre de possibilités qui vise à en chaîner des opérations complémentaires les unes des autres dans le dessein de construire des espaces interférents dans notre société. Des espaces qui se révèlent finalement plus efficaces pour notre réflexion sur l’art d’aujourd’hui que ceux dans lesquels nous enferment ses objets fétichisés.
« Au travail ! » : ce n’est pas une injonction seulement matérielle. Un tel appel vise à mobiliser la pensée du spectateur, l’entraîne à revisiter et questionner son regard ainsi que son rapport personnel à l’art. TOOL BOX veut contribuer à la formation d’un spectateur moins exclusif, plus complexe et moins compartimenté : amateur d’art d’un côté, citoyen de l’autre. Son but : unir ces deux aspects, artistique et politique, en une personne consciente, présente au monde.